Cyril Torrent, a grandi à Perly, près de Genève, dans la maison de ses parents. A quinze ans, une de ses sœurs lui offre son premier appareil de photo. Un Ibis Ferrania. Il est en colonie de vacances et débute alors la saga du traqueur d’images. Tirant le portrait de ses camarades, il a trouvé son langage, dévorant de son œil unique son entourage. Ses parents l’encouragent. Il entre dans une école de photographie qui malheureusement fermera ses portes quelque temps plus tard. Son père l’inscrira dans une école de mécanique de précision. Cette contrainte aiguise ses appétits, et son sens de la perfection. En parallèle il aménage son premier studio de prises de vues à Genève, et travaillera pendant plusieurs années, pour assurer le quotidien, dans un service de la navigation aérienne. C’est le début d’un enchaînement de circonstances favorables.
Son regard convient, il extrait avec justesse la grâce de ses sujets : humains, objets pour la publicité, la mode, le portrait ou les événements sportifs. Sa précision convainc. Sympathisant avec un garagiste voisin, Cyril va dévorer des kilomètres pour couvrir les grands rendez-vous sportifs de son écurie. C’est un ogre à tout faire, inlassable, insatiable. Plus de quinze années s’écoulent partagées entre les vrombissements des moteurs de F1, les rumeurs de la mode et le silence de son atelier. Le noir est sa maîtresse et ils dansent à deux temps, le plus souvent celui du noir et du blanc.
Temps qui a passé ; sa maîtrise de la lumière s’est affûtée. Il court moins, mais n’arrête jamais. Les femmes, corps musclé ou ventre arrondi par l’enfant, aiment poser pour lui. Il a ce regard d’amoureux qui les rend belles. Et mon Dieu qu’elles le sont ! Et parfois sortant des ombres maîtrisées de son antre, il s’expose à la pleine lumière et capture les bateaux du lac, ou les animaux à l’orée du bois, mais aussi les peuplades lointaines d’Afrique. Couleurs chatoyantes ou mimétiques, il nous offre de comprendre ce qui, en simple badaud, nous a émerveillés.
Finalement le regard de l’Artiste n’est-il pas le prolongement de son âme ? Cyril Torrent vit maintenant dans la campagne vaudoise, où il a installé depuis une trentaine d’années son atelier de prises de vues, il partage son temps entre son métier et sa compagne.
Ce livre est son premier, et les œuvres choisies, ne sont pas exhaustives. Nous tenterons de le convaincre de nous révéler le reste. Mais il était temps, il s’est caché si longtemps, que ses cheveux sont tous blancs. C’est comme cela les vrais cyclopes, c’est discret et ça n’est pas causant. Alors si on ne vient pas les chercher on finit par croire qu’ils n’ont jamais existé.
On peut remercier Cyril d’avoir fait, du sauvage un poète, et du photographe un sculpteur de lumière. Qu’il continue longtemps encore à danser avec nos ombres.
Olivia Poirier-sellier